mardi 29 novembre 2022

Le Temps : Je ne sais pas quoi dire du climat à mes petits-enfants

 , 28 novembre 2022, page 10
 

Publié par Le Temps (Genève)

Je ne sais pas quoi dire du climat à mes petits-enfants

Question difficile. Je suis actif pour le climat, je soutiens les efforts courageux et pleins d’abnégation des militants, jeunes, moins jeunes, plus du tout jeunes. Je crois ce que nous savons et reste songeur en voyant tant de personnes refuser l’évidence.

Deux de nos petits-enfants sont majeurs, savent les activités de leurs grands-parents et y sont sensibles. Que dire, que montrer aux plus jeunes, jusqu’à 10, 12 ans? Un ami me fait remarquer que j’écarte d’emblée l’hypothèse «d’écraser les petits enfants avec de mauvaises nouvelles». Comment s’y résoudre? Ou, alternativement, est-il possible de délivrer aux enfants de telles grosses mauvaises nouvelles à doses homéopathiques?

J’y réfléchis, en restant sans idées bien opérationnelles. Et puis je vois que j’ai quelque chose, sous la main, que je pratique ! C’est l’admiration de la nature, la joie d’y être, d’y vivre, de la parcourir. Les fleurs et les arbres, le concert des oiseaux au printemps, les animaux (sauvages en particulier). Lacs et rivières, Préalpes et Alpes, roc et glace (pendant qu’il y en a). Randonnées inspirantes, qui élèvent.

Nos petits-enfants savent cela. En promenade, observant une fleur, un insecte, une trace d’animal, un torrent, ils m’entendent très souvent dire, comme une évidence, «La nature, c’est intéressant, très intéressant… et c’est beau» («La beauté sauvera-t-elle le monde?», question de Dostoïevski).

Tout cela est en danger, est-ce qu’on s’en accommode? Est-il anodin que nos petits-enfants, puis leurs propres enfants, n’aient plus la possibilité de jouir des multiples facettes de la biosphère, y compris de la biodiversité en chute libre? Du milieu dont nous sommes partie intégrante, ni plus ni moins. Ce serait bien que la réponse soit «Non, il faut faire des (grands) efforts pour la survie des êtres vivants, de toutes leurs espèces. Pas seulement des êtres vivants d’ailleurs, des fleuves et des espaces naturels».

Pour cela, un besoin pratique: renforcer et réorienter ce que dans les programmes scolaires on appelait «Sciences naturelles». Mêler un bagage accru de notions objectives avec les récits à inventer - en classe notamment. Une éthique du vivant. Ce renforcement sera interdisciplinaire, avec géographie, histoire, littérature et art, philosophie. Et droit et économie bien sûr. Il faudra convaincre autorités et professionnels de l’éducation (au rythme où les choses se péjorent, cela devrait être possible).

 

Dr Jean Martin

Médecin de santé publique, ancien médecin cantonal vaudois