mardi 24 août 2021

24 H Opinions : Climat: l’Europe doit amener la Chine à plus de raison

    Page   Opinions   du 24 août 2021


     Réflexions

       L’invité Michel Stevens
       Conseiller en gestion durable, Grands-parents pour le climat

La Commission européenne a présenté le 14juillet un paquet de mesures devant permettre à l’UE de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 55% d’ici à 2030, conformément à ses engagements. L’Europe pourrait ainsi devenir le premier continent à atteindre la neutralité carbone.

S’il convient de saluer la détermination de la présidente de la Commission, il faut aussi reconnaître que ce projet soulève une question de fond: celui de l’objectif de la politique climatique d’une entité politique. Tel que le projet a été présenté, on pourrait croire qu’il s’agit, dans une logique de compétition, de montrer ce dont le Vieux-Continent est encore capable.

Or l’Accord de Paris de 2015 n’était pas destiné à pousser plus loin la compétition entre les puissances mondiales, mais à amener les gouvernements à prendre les mesures propres à éviter les conséquences graves et potentiellement catastrophiques d’un réchauffement excessif de la planète. Il constituera un succès seulement si les émissions mondiales (!) baissent de 50% d’ici à 2030 et de 100% d’ici à 2050.

Il se fait que la Chine, qui représente à elle seule 20% des émissions de GES de la planète, a admis le 12décembre 2020, par la voix de son président, qu’elle laissera ses propres émissions de CO2 augmenter jusqu’en 2030, visant à atteindre la neutralité carbone en 2060 seulement et rendant ainsi la réalisation des objectifs de la COP21 improbables, pour ne pas dire caducs.

Dans ces conditions, le projet européen se présente comme un exercice de style dénué de sens. Même si l’UE devait atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés, le réchauffement ne sera pas contenu à l’intérieur des 1,5 C ni même 2 C, et l’avenir promis à nos petits-enfants sera sombre.

Sans parler de l’attitude des dirigeants chinois, n’y a-t-il pas une part d’hypocrisie et d’irresponsabilité de la part des dirigeants de l’UE? Entre 1990 et 2020, tout comme le PIB de la Chine, les exportations chinoises vers la zone euro - et donc les émissions de GES liées à leur production - ont explosé. On peut en déduire que, si les émissions de GES de l’UE ont déjà baissé de près de 25% et celles de la Chine augmenté dramatiquement, c’est en grande partie pour la raison simple que des industries fortement émettrices de GES ont été délocalisées de l’UE vers la Chine. L’Europe a, en quelque sorte, refilé la patate chaude à la Chine sans considération des conséquences.

Au lieu de se borner à un légalisme extrême - respecter ses engagements en matière d’émissions territoriales -, l’UE pourrait contribuer réellement à résoudre le problème du réchauffement, problème planétaire s’il en est, et compléter les COP par des négociations bilatérales avec la Chine afin d’amener celle-ci à plus de raison. Dans de telles négociations, la menace d’une forte réduction des importations européennes pourrait constituer un argument de poids.