samedi 30 janvier 2021

Zürichsee-Zeitung : Nous devons assumer la responsabilité de ce que nous avons provoqué

       Interview du 30.1.2021 par Annina Just
 
 
René Jaccard, grand-père de Küsnacht, porte-parole des Grands-parents pour le climat en Suisse alémanique.
L’engagement de seniors pour le climat est pour lui surtout une question de justice.

 La naissance d’un enfant change de manière fondamentale la vie des parents. Et cet événement peut aussi conduire celle des grands-parents dans une nouvelle direction, ce qui est arrivé à René et Marianne Jaccard de Küsnacht. Depuis la naissance il y a 4 ans de leur petit-enfant, ce couple s’est engagé en tant que militants pour le climat. Selon René Jaccard (70 ans) « La conférence de Paris de 2015 nous a clairement montré que le monde se dirige vers un désastre ». En tant que   médecin, spécialisé dans la lutte contre le HIV, devenu presque simultanément retraité et grand-père, il était clair qu’il allait s’engager. « Quand on s’imagine ce qui va arriver à nos petits- enfants, on ne peut pas simplement regarder, sans agir. »

Lutter contre le référendum

René Jaccard et sa femme Marianne ont trouvé dans l’association Grands-parents pour le climat des personnes qui partagent leurs préoccupations. En 2019, ils montent, avec 2 autres activistes du climat, le premier groupe régional des Grands-parents pour le climat en Suisse alémanique, Klima-Grosseltern.

Aujourd’hui, René Jaccard est délégué pour la Suisse alémanique et coordinateur ainsi que porte-parole de INTERREGIO, qui réunit les cinq groupes régionaux de Suisse alémanique. Il estime que son travail représente environ un 50%. Il s’agit de tâches classiques de toute association mais aussi la participation à des manifestations, la rédaction de publications et un travail de formation continue personnelle.

Pour lui le but suprême de l’association est d’assurer un futur « compatible aux petits-enfants ». Actuellement, l’association est focalisée sur la nouvelle loi sur le CO2 contre laquelle l’UDC et un groupe régional des jeunes grévistes ont lancé un référendum. Les Grands-parents pour le climat travaillent pour que cette loi soit acceptée.

 De plus, René et Marianne Jaccard modèrent des « Conversations carbone », organisées en Suisse alémanique par l’Action de carême et Pain pour le prochain. « Il s’agit là de montrer, dans le cadre de discussions de groupe, des alternatives concrètes pour un mode de vie bas carbone. »

Le couple a entrepris des changements dans sa vie. Le premier était la construction d’une installation photovoltaïque sur le toit de leur maison à Küsnacht. « Je trouve presque catastrophique qu’il y en a si peu dans les environs, malgré l’abondance de soleil et d’argent. »

Chauffer moins

Depuis quelque temps les Jaccard chauffent leur logement au biogaz, seulement jusqu’à 20°. Il ajoute que « des petites mesures, peu spectaculaires, aident beaucoup ». Il a réduit de moitié le nombre de kilomètres parcourus en voiture et cela même s’il utilisait déjà très rarement sa voiture. « Et voler, je ne l’ai plus fait depuis quatre ans ». En plus, les Jaccard ont changé leur régime alimentaire : ils ne mangent que très rarement de la viande.

Tout cela a peu à faire avec renonciation, bien au contraire : la confrontation avec le thème et l’expérimentation de comportements en accord avec le climat apportent beaucoup de joie. « A notre âge il est très intéressant de s’interroger sur des vieilles habitudes et de voir dans quelle mesure nous pouvons les changer ». Et le médecin y voit encore un avantage : « dans les domaines de la mobilité et de l’alimentation, ce qui est bon pour le climat l’est aussi pour la santé. Il y a donc un double avantage ».

Le fait de ne pas toujours avoir vécu de manière consciente face aux menaces du réchauffement climatique fait réfléchir René Jaccard. Est-ce que son engagement est une réparation de ses péchés de jeunesse ? Il pense que oui, au moins en partie. Même déjà sensibilisé à l’époque sur des questions d’environnement, il ajoute « on a simplement vécu, on se faisait peu de soucis. »

Corona donne de l’espoir

Aujourd’hui la notion de justice climatique est centrale, d’un côté entre les différentes régions du monde et de l’autre entre générations. « Notre contribution à la dégradation de l’environnement est globalement beaucoup plus grande que celle des pays en développement ». Et c’est exactement pareil avec les générations. « Notre manière de vivre a un très gros impact sur la vie des futures générations ». Dès lors, c’est à sa génération d’assumer la responsabilité et de prendre des mesures adéquates. Aujourd’hui, au niveau local, ceci veut par exemple dire pour René Jaccard qu’il s’intéresse au nouveau Plan énergie de la commune de Küsnacht dans l’intention d’y contribuer.

Vu globalement, il faut avant tout que le monde politique écoute les scientifiques. Et René Jaccard voit là un espoir de la crise de la pandémie actuelle. « Elle nous montre qu’il est possible d’agir rapidement. Quand la politique prend la science au sérieux, des actions concrètes peuvent émerger. En matière de climat, nous en sommes toutefois encore très loin. Mais il y a de l’espoir. »