Publié dans 24 Heures du 8 avril 2020. Rubrique "Réflexions"
«Vous vouliez la décroissance, eh bien vous l’avez»
Celles
et ceux que préoccupe l’avenir sont ces jours vivement interpellés En
plus des graves soucis sanitaires, les bouleversements dans l’économie
liés aux mesures prises pour contrer la pandémie Covid-19 sont énormes.
«Vous vouliez la décroissance, eh bien vous l’avez», a dit sur un mode
martialement critique une personnalité politique, le 19mars au matin sur
La Première. Le soir précédent, dans la solide émission spéciale de RTS
Un, un analyste financier tenait un même discours: il sera absolument
impératif de croître à nouveau, et vite. Il voulait bien concéder que
cette croissance pourrait être plus qualitative mais, pour l’essentiel,
hors de produire à l’ancienne pas de salut.
Cela démontre-t-il que la volonté de faire
différemment («changer le système, pas le climat»), manifestée en 2019
par les multiples manifestations pour le climat, ne serait que des rêves
de beau temps d’une jeunesse désorientée? Pour ceux qui veulent que
nous ne croyions, sans discuter, qu’à l’«économie réelle», les troubles
liés au tsunami viral n’auraient ainsi pas que des inconvénients, en
montrant l’inanité de l’alternative?
...
...
Faut-il
admettre que le modèle qui est en train de détruire l’écosystème est le
seul qui vaille? Que la seule issue est de s’adapter «gentiment» à la
diminution de la biodiversité notamment, moins rapide que le coronavirus
mais dont la vitesse de survenue est inouïe dans l’histoire - malgré la
météo superbe du moment où j’écris, peu de chants d’oiseaux dans les
forêts où je me promène (seul) -, un ami naturaliste chevronné y voit la
sixième extinction de masse. «L’exceptionnalisme humain est
autodestructeur», dit l’écrivain américain Richard Powers.
L’exceptionnalisme, cette fâcheuse façon de penser qu’il n’y a que nous
qui comptions.
Pourtant, «après le confinement,
il faudra entrer en résistance climatique», affirme dans «Le Monde» daté
du 20mars un collectif de personnalités, soulignant la nécessité de la
décroissance énergétique pour atteindre la neutralité carbone en 2050
.
.
Même
les conservateurs en matière économique réalisent que le virus doit
impérativement nous faire réfléchir. Tirons-en la leçon, développons une
nouvelle culture, dans plusieurs sens du terme. Les restrictions
massives que nous devons accepter nous montreront-elles qu’on peut vivre
différemment? Y compris en produisant et consommant moins - de ces
choses qui relèvent du superficiel, du superflu ou de l’égocentrique? Ce
qui pourrait libérer un peu de notre temps précieux, si «embouteillé»
dans la vie d’avant, pour le dédier à nous enrichir sur des modes
non-matériels.
Je vois d’ici les sourires et les quolibets: «Rêvez mais hors d’un cadre dictatorial et communisant il n’y a pas de décroissance imaginable.» Le défi, c’est que les réalistes-immobilistes n’étant pas tenus de rien prouver, c’est aux autres de montrer que c’est possible.
Le pire n’est jamais certain. Cherchons à faire advenir un peu de meilleur.